Critique de l’interprétation freudienne des rêves
Freud a prouvé que les rêves n’apparaissent pas par hasard mais sont liés à la personnalité même du rêveur. Ainsi, chez un patient névrosé, l’analyse des rêves participe à la recherche des origines de cette névrose. Ces affirmations demeurent la base de toute psychothérapie, que celle-ci soit entreprise avec un psychanalyste freudien ou non.
En revanche, Freud a limité l’inconscient à un réservoir des pulsions qui apparaissent dans les songes. Ces pulsions, essentiellement sexuelles, proviennent de l’enfance et c’est en recherchant dans le passé du rêveur que ses rêves peuvent être expliqués. Sur ce point, des divergences apparaissent, en particulier avec son contemporain Jung.
La surestimation de la sexualité
La signification d’un rêve se trouve presque inévitablement dans la sexualité du rêveur, dans ses pulsions sexuelles, et le complexe d’Œdipe trouve une place essentielle dans l’interprétation des rêves. Ce principe de base entraîne une interprétation qui ne varie finalement que peu d’un rêve à un autre, d’une personne à une autre, d’une période de vie à une autre. Certes, l’inconscient et chaque inconscient utilise des symboles divers et des éléments de la réalité consciente du rêveur pour construire des scénarios variés, mais le résultat de chaque interprétation renvoie finalement invariablement à des pulsions premières nées durant l’enfance.
Or il faut noter que, lorsque Freud s’exerce à l’auto-interprétation de ses propres rêves, la signification qu’il leur donne n’est pas vraiment sexuelle. Pour le dire autrement, il n’est pas toujours facile, même lorsque l’on est maître en la matière, de trouver invariablement une signification sexuelle à tous ses rêves. Ainsi, il interprète le rêve dans lequel il se voit assis dans un train, un chapeau de verre posé sur ses genoux, comme l’image de son désir de devenir riche et célèbre grâce à la naissance de la psychanalyse. Le rêve parlerait donc d’autre chose que de sexe et dévoilerait les aspirations profondes des individus au présent, au moment de leur rêve ? C’est cette question qu’évite Freud et à laquelle répondra son disciple Jung.
De plus, rapprocher tous les rêves de pulsions sexuelles refoulées oblige parfois à des contorsions intellectuelles qui obligent à analyser le plus souvent un élément précis du rêve que son scénario dans son ensemble.
Enfin, si le rêve n’est que l’expression d’une pulsion, identifier cette dernière présente certainement un intérêt, mais ne délivrera pas réellement de message. Éventuellement le patient parviendra à se libérer de cette pulsion mise à nue, mais en aucun cas il n’obtiendra d’enseignement de son rêve sur lui-même. Le rêve ne lui suggèrera aucune solution pour agir dans sa vie présente et résoudre la situation actuelle qui provoque son mal-être. On peut même dire que les rêves restent dans ce cadre une partie obscure des individus, la preuve de l’existence non pas du diable mais de pulsions diaboliques.
La surestimation et de la conscience
Freud explique la complexité du langage des rêves par le besoin de l’inconscient de masquer les désirs refoulés à la conscience pour éviter l’éveil du rêveur. Ainsi, la conscience reste l’acteur majeur et dominant. L’inconscient doit donc sans cesse trouver des solutions pour contourner le principe de réalité défendu par la conscience.
Ce postulat revient à surestimer la conscience et à limiter la liberté d’expression de l’inconscient. Depuis la compréhension scientifique du sommeil paradoxal, on sait que l’inconscient a une activité totalement indépendante et beaucoup plus libre que dans la théorie freudienne. Les messages que peut retirer le rêveur de ses songes s’en trouvent considérablement enrichis.
Étant donné que les pulsions remontent à l’enfance, l’expression des pulsions d’un rêve trouve son explication dans le passé du rêveur. Pour retrouver ce passé, le rêveur doit, dirigé activement ou non par son analyste, pister ces pulsions sous forme d’associations. Partant du rêve et, dans la pratique, de détails du rêve, l’analysé s’éloigne petit à petit du scénario de son rêve pour parler de lui-même, de son enfance et de ses pulsions (au besoin en inventer si le phénomène de projection se met en place avec son analyste).
Le rôle de ces associations sans fin dans l’analyse freudienne conduit à oublier le scénario global du rêve pour plonger dans le passé du rêveur plutôt que de rester au plus proche de ce rêve en tentant à l’inverse de le rapprocher d’autres rêves de la période présente vécue par le rêveur. Pour Freud, chaque rêve pris isolément a une signification et est à rapprocher d’une pulsion particulière, alors que ce sont les rêves au pluriel (d’où le nom de ce site) d’une même période de vie (adolescence, entrée dans la vie active, relation amoureuse, maternité ou paternité, maladie...) qui sont à analyser globalement.
Les associations du rêveur demeurent donc essentielles pour compléter la symbolique des personnages, lieux, actions... du rêve (voir notre dictionnaire des rêves) mais doivent absolument s’éloigner le moins possible du scénario du rêve pour permettre d’en comprendre la signification véritable.
L’apport de Freud n’est plus à démontrer, cependant il faut prendre conscience de la sur-estimation de la sexualité et de la conscience dans la théorie freudienne pour mieux comprendre la diversité des messages de l’inconscient auquel le rêveur peut avoir accès en interprétant ses rêves. Par ailleurs, la pratique des associations recommandées par Freud doit rester la plus proche possible du scénario des rêves à analyser pour en découvrir le sens.
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